Le Contresens du poil

EXTRAIT AUDIO (lecture: Jérôme Parzyfz)

Présentation 

Sur le réel,

l’étendue du désastre et surenchère.

Que faire ?

Ne pas faire n’importe quoi.

Possibilité de l’Amour

 

 

Début

 

Vous aimez la mort

(dernier appel extérieur d’amour)

 

 

       Connaissances du réel

 

      Trois peintres et le réel

             De l’évolution du rapport de la peinture et des peintres au réel : / l’espace du rêve s’est rétréci comme une peau de chagrin (extension donc, qui peut être désespérante, du domaine de la lutte), / celui du réel agrandi proportionnellement, / ce que traduit l'évolution de la peinture (en perdition d’ailleurs semble-t-il de ce fait comme par résignation : on sait désormais ce qu’il y a derrière toutes les portes du dehors ; / entraînant un sentiment d’inutilité de toute représentation ; les textes sacrés avaient bien prévenu, interdisant la représentation comme de se retourner sur Sodome et Gomorrhe, au risque d’être pétrifié d’effroi ou peut-être d’ennui, de total désenchantement).

            Il est loin le temps des représentations de chaque partie découverte de l’espace, / humain, entièrement humain, humanisé par les humains : l’espace comme territoire de représentations. 
       A présent nous savons, croyons savoir qu’indépendamment de la projection de l’esprit, la matière est inerte et morne à notre échelle, / elle ne semble pas être parcourue d’un même esprit (l’idée de dieu).

            Reste l’esprit, l’esprit humain, l’intériorité, qui ne peut elle être réduite à de multiples combinaisons physico-chimiques, environnementales, à des combinaisons psychologiques, demeure mystérieuse (Zweig) ; / il restera toujours des portes fermées ou entrouvertes auxquelles cogne la poésie.

    Le réel n’est pas la poésie ; la poésie est le point d’accès à ce qui n’est plus le réel : / de ce point de vue, Van Gogh est poétique, / Barcello (Miquel) peut-être le demeure d’une certaine manière par l’exagération, une vision épique du réel . / La poésie est la présence humaine, même réduite à peau de chagrin, / qui ne peut dorénavant plus que se représenter elle-même. 

 

 

Autre extrait

 

La boîte crevée du chat

C’était un beau week-end, fluide d’amour / il nous fallut pourtant sortir : un sentiment de solitude / à trois / qui n’est pourtant pas rien / une oppression. Il nous fallut sortir, donc / à la rencontre de rencontres / toujours assez difficiles pour ma part, quelques amis, les amis de ma femme.

J’ai tout de suite ressenti la présence hostile de l’univers ce jour-là, dehors / dans le ciel morne complètement arrêté là, comme un mur. C’est peut-être aussi le fait du chantier d’en face: la terre ouverte, l’absence des quelques arbres arrachés, la pelle mécanique / en plus de l’automne, du nu de l’automne.

De quoi suffire à notre sortie, en quelque sorte / raffermir la conscience de notre bien être. Et puis, quelle beauté, suffisante, ô combien suffisante, de cette course d’un enfant, notre enfant, qui revient en courant dans l’espace clos de ses parents. Nous n’avions déjà plus besoin d’amis, mais nous avions le cœur à leur porter notre amitié / pourvu que ce ciel ne nous tombât pas sur la tête.

Le fait est que surgit alors, de derrière une balustrade du chantier / de l’autre côté de l’avenue que nous nous apprêtions à traverser sur le passage piéton / un chat ; un chat dans toute la dextérité de ses instincts retrouvés sur le terrain vague du chantier / mais qui ne vit pas pour autant, peut-être pas plus que nous-mêmes ne l’avions vue, une voiture qui déboulait, le frappa de plein fouet.

Je vois le conducteur ou la conductrice / un moment d’hésitation dans son attitude / une tentative évaluée immédiatement comme vaine de freiner / et l’oubli surtout tout aussi immédiat du chat ; / je vois cela sur son visage de conducteur ou conductrice / son retour physique à la musique dans la voiture ; / il / elle / appuie sur le champignon. Je vois tout en même temps le regard clair de ma fille, sa conscience de trois ans en brèche sur l’événement / le sentiment de rupture / et l’aile instinctive comme un voile de sa mère qui l’écarte de notre chemin. Elles traversent, en toute hâte, de l’autre côté du carrefour, devant le bistrot / me laissent tacitement à mon travail d’homme avec la mort du chat. 

Son pauvre corps de félin à peine retrouvé tressaille maintenant sur le bitume. On a l’impression d’un mécanisme brisé / ni plus ni moins / une machine qui rend l’âme. Le chat saigne à peine, d’un sang sans grandeur, tout dégonflé de vie, vraiment sans aucune dimension tragique. Le corps rebondit d’une façon obscène sur la chaussée. Dans le bistrot d’en face – ma femme et ma fille ont passé leur chemin – , ils / (trois ou quatre personnes) / regardent la scène, qu’il faut interrompre : c’est ce qui à présent s’impose à moi comme un devoir / par respect de ce qu’a pu être ce chat, qui n’est finalement pas grand-chose / et peut-être davantage encore par respect tout simplement de la vie / celle de ses maîtres (l’affection qu’ils portaient à ce chat) / de la nôtre. J’ai cette impression, détestable, qu’elle est à l’instant même bafouée, voire d’entendre en guise de rire la présence du ciel morne / (qui semblait donc attendre là pour ça) / et ceci sous les applaudissements intérieurs, ahuris et masochistes, des trois ou quatre poivrots d’en face.

J’ai saisi la borne du chantier sur le trottoir, ai évalué l’efficacité d’un tel moyen / (une grosse borne-chapeau, rouge et blanche) / du point de vue de la souffrance enfermée du chat sans regard humain / et j’ai frappé.

Il n’y a plus eu que la boîte écrasée du chat / d’où pend un œil qui n’est même plus un œil, comme un ressort mécanique / boîte que j’ai poussée du pied dans le caniveau (il fallait que je revienne aux miens). Je me suis demandé assez froidement, philosophiquement : où est passée l’âme du chat ?

J’ai rejoint ma femme et ma fille. Nous lui avons raconté l’histoire du petit chat qui n’avait pas écouté sa maman, s’est fait écrasé, est monté au ciel.

Nous avons continué notre chemin, sommes allés voir nos amis, les amis de ma femme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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